Dans « Par la forêt », Laura Alcoba raconte l’histoire d’une mère qui, un jour de décembre, a noyé ses deux fils dans sa baignoire. Plus de trente ans après ce double infanticide, l’écrivaine va mener l’enquête sur ce drame dont elle a bien connu les protagonistes. Pour cela, elle va rencontrer dans un café les différents protagonistes et entendre leur récit, leurs souvenirs du drame et des circonstances.
Claudio et Griselda sont un couple d’exilés argentins. Ils ont une petite fille de six ans, Flavia, et deux garçons de trois et quatre ans, Boris et Sacha. Gardiens d’une école, les parents vivent avec leurs enfants dans une petite loge. Un jour, en rentrant à la maison, Claudio va retrouver sa femme gisant trempée au pied du canapé où elle a déposé les deux corps sans vie. Flavia qui était en classe au moment où sa mère a perdu pied et commis l’irréparable a échappé de peu au pire.
Pour tenter d’approcher le mystère qui entoure ce geste fatal, la narratrice, des années plus tard, va retrouver Griselda. Aux prises avec une douleur et une culpabilité incommensurables, celle-ci va raconter son enfance en Argentine. Une enfance et adolescence marquées par les abus sexuels et de nombreuses cassures. Mais aussi par la violence de l’histoire argentine, la dictature, l’exil, la double identité. Tout cela pourtant n’explique pas, même à ses propres yeux, ce qui s’est passé ce jour-là. Les principaux intéressés comme Claudio, ou encore l’institutrice de Flavia et son compagnon, Colette et René, se confieront également à Laura Alcoba. De même que Flavia. Cette dernière a quarante ans quand la narratrice la retrouve. Elle est devenue photographe. Après avoir perdu ses deux frères et avoir été séparée de sa mère emprisonnée puis hospitalisée, l’enfant a été confrontée au silence, personne ne mettant des mots sur « ce jour-là » afin de la protéger. Mais un jour, alors qu’elle se promenait avec Colette et René dans la forêt de Chantilly près du château de la Reine Blanche, la petite fille va être aimantée par ce lieu comme si elle pénétrait dans un conte lui révélant l’indicible, Par la forêt (d’où le titre du livre), elle va comprendre quelque chose du drame qui s’est déroulé. La désormais quadragénaire explique comment la tragédie a forgé la personne qu’elle est devenue. Véritable personnage solaire, elle représente la partie lumineuse de ce livre qui plonge du côté obscur de l’être.
« Par la forêt » est un récit sur l’incompréhensible, l’irrémédiable, l’effroi et l’indicible, mais aussi sur ce qui leur survit, sur la manière dont il faut vivre avec après. Il montre le pouvoir des contes et la littérature, leur capacité à mettre des mots sur l’inexplicable et le silence. Un ouvrage marquant, plein de délicatesse, d’intelligence et d’empathie.