Clélia Rivoire, héroïne de « Rosine, une criminelle ordinaire » est de retour. Dans « Antoine, un fils aimant » de Sandrine Cohen, cette enquêtrice de personnalité auprès des tribunaux de Paris tente de comprendre les raisons d’un drame familial. Elle doit cette fois cerner Antoine, un brillant lycéen de dix-sept ans qui vit dans la banlieue huppée de Meudon. Par un dimanche de février, ce jeune homme sans histoire appelle la police depuis la cuisine familiale . « J’ai tué mon père », dit-il au téléphone tandis que l’opératrice entend en arrière fond le hurlement de la petite sœur découvrant le corps de son père baignant dans une mare de sang. Sur place, la police découvre une cuisine nickel, une salade de tomates trônant sur la table et les membres de la famille en état de choc. Antoine explique avoir pris la carabine pour faire plaisir à son père chasseur qui insistait pour qu’il l’essaie. Il a visé, tiré. Son père est mort sur le coup. Il prétend ignorer que l’arme était chargée. Alors accident stupide ou parricide déguisé?

Personnage impulsif et bouillonnant, véritable boule de rage en proie avec ses traumatismes du passé, Clélia est aussi incroyablement déterminée et perspicace. Sa mission ? Retracer la vie d’Antoine, comprendre ses relations avec les membres de sa famille, identifier quels événements dans sa vie auraient pu expliquer son passage à l’acte. Tout ceci afin d’apporter des éléments au dossier en vue du procès. Eléments qui pourront jouer un rôle sur la peine encourue. Mais elle se retrouve face à un Antoine froid, impassible, connaissant bien les rouages du système judiciaire et refusant de lui parler. Pourquoi donc refuse-t-il cette main tendue ?
Avec ce roman noir situé à mi-chemin entre l’enquête judiciaire, l’exploration psychologique et le drame social, Sandrine Cohen confirme son talent pour sonder les âmes et les êtres (ndlr : « Rosine, une criminelle ordinaire » lui avait valu le Grand Prix de la littérature policière en 2021).
Avec sa plume rythmée et nerveuse, elle maîtrise l’art de saisir les zones d’ombre et les vieilles blessures qui se cachent derrière les façades trop lisses. Le personnage de Clélia représente une porte d’entrée qui permet à l’autrice de raconter des histoires de violence intrafamiliale, de violence ordinaire. Sandrine Cohen montre comment la violence peut traverser un arbre généalogique, ruisseler sur les gens qui la perpétuent sans qu’eux-mêmes sachent pourquoi la perpétuent. A lire absolument !