Dans une annonce discrète mais lourde de conséquences, la firme de Cupertino a confirmé, vendredi dernier, le report de l’intégration tant attendue des fonctionnalités d’intelligence artificielle à son assistant vocal, Siri. Une décision qui ne s’est pas seulement traduite par une chute du cours de l’action Apple, mais qui a également provoqué un climat de tension palpable au sein des équipes de développement.
Selon un rapport de Bloomberg, Robby Walker, haut responsable de la division Siri, a organisé une réunion d’urgence afin de redonner de l’allant à ses collaborateurs, reconnaissant ouvertement que la situation pouvait engendrer frustration, malaise et épuisement. Ce report s’avère d’autant plus délicat que l’entreprise à la pomme avait déjà lancé des campagnes publicitaires mettant en avant ces améliorations technologiques, présentées comme un atout phare de l’iPhone 16, dont la sortie est prévue en juin 2025.
Une déconnexion entre marketing et réalité technique
La frustration grandissante au sein des équipes techniques trouve en partie son origine dans l’apparente discordance entre les ambitions affichées par le département marketing et les difficultés réelles rencontrées dans le développement des fonctionnalités d’intelligence artificielle. Depuis plusieurs mois, Apple diffuse des spots promotionnels vantant une version de Siri enrichie par l’IA, alors même que la mise en œuvre de ces innovations demeure incertaine.
Lors de la réunion interne, Walker aurait reconnu les difficultés de communication auxquelles ses équipes allaient devoir faire face : “Vous pourriez avoir des collègues, des amis ou des membres de votre famille qui vous demanderont ce qui s’est passé, et ce n’est pas une situation confortable”, aurait-il déclaré.
Au cœur des inquiétudes figure l’absence d’un calendrier précis concernant le lancement effectif des nouvelles fonctionnalités. Si l’intégration à iOS 19, prévu pour l’été, reste une hypothèse, Walker a précisé que cela “ne signifie pas que nous les lancerons à ce moment-là”, laissant planer le doute sur un report plus prolongé.
Une IA encore perfectible et des attentes modérées
Derrière cette décision, se cache une réalité technique implacable : les performances actuelles du prototype de Siri sont jugées insuffisantes. Selon les données de Bloomberg, l’assistant vocal dopé à l’IA n’afficherait un taux de réponse correcte que dans 65 à 80 % des cas, un seuil jugé trop faible pour une mise sur le marché.
Malgré la crispation interne que suscite ce retard, l’impact sur les consommateurs pourrait être plus modéré qu’attendu. Une enquête réalisée en décembre 2024 par SellCell indique que 73 % des détenteurs d’iPhone considèrent que les nouvelles fonctionnalités d’IA apportent peu ou pas de valeur ajoutée.
Une industrie confrontée à ses propres paradoxes
L’intégration tardive de l’IA dans les assistants vocaux interroge. Alors que ces technologies semblent naturellement destinées à renforcer les interactions homme-machine, leur implémentation concrète demeure un véritable défi. Apple n’est pas un cas isolé : Amazon, par exemple, n’a annoncé qu’en début d’année de nouvelles fonctionnalités IA pour Alexa, et leur déploiement se fait encore de manière limitée.
Ce décalage entre la révolution annoncée de l’intelligence artificielle et ses applications réelles met en évidence les obstacles techniques et stratégiques auxquels l’industrie doit faire face. Si l’IA suscite un enthousiasme certain dans le débat public, son intégration dans des produits du quotidien demeure une entreprise ardue.
Une décision prudente mais stratégiquement risquée
Apple, fidèle à son exigence de perfection, semble préférer différer l’introduction de cette version de Siri plutôt que de livrer un produit imparfait. Une stratégie visant à préserver son image de marque, mais qui pourrait entraîner une déception chez les investisseurs et les utilisateurs les plus fidèles.
Paradoxalement, ce contretemps pourrait aussi offrir à Apple l’opportunité de réévaluer ses ambitions en matière d’intelligence artificielle, dans un contexte où l’intérêt du grand public pour ces innovations semble plus mesuré qu’escompté. Reste à savoir si la firme saura transformer ce revers en une avancée stratégique décisive.