Après huit années d’attente, l’un des piliers du jeu de stratégie au tour par tour s’apprête à renaître sous une forme renouvelée. Le 11 février a marqué la sortie tant attendue du septième opus de Sid Meier’s Civilization, une franchise qui, depuis sa création en 1991, s’est imposée comme une référence incontournable du genre. Derrière ce projet d’envergure, le studio Firaxis, héritier du travail visionnaire de Sid Meier, a relevé le défi de moderniser un jeu légendaire tout en préservant l’essence qui en a fait le succès.
Dans Civilization VII, le joueur est une fois encore invité à modeler le destin d’une civilisation à travers les âges, en fondant des cités, en développant des avancées technologiques, en tissant des alliances diplomatiques et en menant des campagnes militaires. Fidèle à l’ADN de la série, le titre repose sur une carte du monde fragmentée en innombrables tuiles, chacune dotée de ressources spécifiques à exploiter. L’évolution repose sur des mécanismes en adéquation avec les grandes étapes du progrès humain : il est impératif de maîtriser la navigation pour envoyer des explorateurs sur de nouvelles terres ou encore de comprendre l’industrialisation afin de développer un réseau ferroviaire efficace. Toutefois, si le cadre de jeu s’inspire de l’Histoire, chaque partie demeure unique et imprévisible, laissant au joueur le soin d’écrire sa propre version du destin des nations.
Parmi les innovations majeures de cet opus, le découpage du jeu en trois grandes périodes – l’Antiquité, l’ère de l’exploration et l’Âge moderne – constitue une refonte profonde du système traditionnel. Ce choix audacieux, qui rappelle le modèle du jeu Humankind, impose aux joueurs de changer de civilisation à chaque transition temporelle, évitant ainsi certaines aberrations historiques, telles qu’un empire perse larguant une bombe nucléaire sur une cité maya. Cette nouvelle dynamique s’accompagne de gains stratégiques, mais aussi de sacrifices : en franchissant un cap, les unités et alliances précédemment acquises disparaissent, imposant une réévaluation constante des priorités.
Conscient des critiques formulées à l’égard des opus précédents, Firaxis a également apporté des ajustements visant à fluidifier l’expérience. La gestion des infrastructures, autrefois chronophage et parfois laborieuse, est désormais simplifiée : les aménagements essentiels, tels que les fermes, les bateaux de pêche ou encore les scieries, se construisent automatiquement au fil de l’expansion urbaine. De plus, la conception architecturale des villes gagne en souplesse, permettant une répartition plus libre des bâtiments au sein des quartiers urbains. Un tutoriel particulièrement soigné assure une accessibilité accrue aux néophytes, garantissant une prise en main progressive et efficace.

L’un des points les plus marquants de cette nouvelle édition réside dans l’évolution du style graphique. Oubliée l’esthétique aux accents cartoonesques de Civilization VI : les dirigeants étrangers, les unités et l’ensemble des visuels adoptent désormais une approche bien plus réaliste, renforçant l’immersion du joueur. Néanmoins, malgré ces ajustements esthétiques et mécaniques, l’essence du jeu demeure intacte : Civilization VII conserve cette cadence addictive qui pousse chaque joueur à prolonger ses sessions sous l’effet du célèbre syndrome du « One more turn ».
Le nom de Sid Meier reste indissociable de la série, bien qu’il ait depuis longtemps passé le flambeau à une nouvelle génération de concepteurs. À l’origine, l’idée d’associer son nom au titre du jeu relevait d’une boutade entre collègues dans les années 1980. Pourtant, cette plaisanterie est devenue une marque de fabrique, un gage d’excellence et d’ingéniosité ludique. Véritable légende de l’industrie vidéoludique, Sid Meier a su imposer une vision singulière du jeu de stratégie, préférant la réflexion aux effusions de violence gratuite. Civilization ne déroge pas à cette règle tacite : si les conflits sont omniprésents, l’hémoglobine en est exclue.
Figure tutélaire du jeu vidéo, Sid Meier a été maintes fois honoré pour son apport exceptionnel au monde du gaming. En 1997, il est consacré « personnalité la plus influente de l’histoire du jeu vidéo ». Deux ans plus tard, il devient le deuxième créateur à intégrer le prestigieux Hall of Fame du jeu vidéo, juste après Shigeru Miyamoto, père de Super Mario. En 2008, il entre au Guinness des records, récompensé pour être le développeur ayant reçu le plus grand nombre de distinctions dans son domaine.
Avec Civilization VII, l’héritage de Sid Meier se perpétue et s’adapte aux attentes des joueurs contemporains. En préservant l’intelligence stratégique qui a fait son succès tout en intégrant des mécaniques novatrices, Firaxis signe une nouvelle page d’une saga qui, depuis plus de trois décennies, ne cesse de fasciner les bâtisseurs d’empires virtuels.