Après avoir bouleversé le texte, l’image et la vidéo par l’IA générative, OpenAI s’apprêterait à s’attaquer au dernier bastion créatif : la musique. Un projet aussi prometteur que périlleux, tant l’innovation dans ce domaine s’accompagne de défis juridiques et éthiques d’une rare complexité.
OpenAI lorgne désormais vers la composition algorithmique
En quelques années, la firme fondée par Sam Altman s’est imposée comme l’un des acteurs incontournables de l’IA générative, avec des avancées majeures dans le dialogue machine (ChatGPT), la création visuelle (DALL·E, Sora) ou encore la navigation web assistée. Selon des informations rapportées par le média américain The Information, l’entreprise s’apprêterait désormais à investir un domaine encore peu exploré : celui de la musique générée par intelligence artificielle.
D’après ces révélations, OpenAI aurait déjà amorcé des coopérations avec des étudiants de la prestigieuse Juilliard School, temple de l’excellence musicale à New York, afin d’annoter et de qualifier des partitions. Cette étape serait déterminante pour entraîner un futur modèle de génération musicale capable de composer des œuvres originales, et non de simples pastiches.
Une opportunité prometteuse… au parfum de poudre juridique
Le marché de la musique générée par IA demeure, à ce stade, bien moins saturé que ceux du texte ou de l’image. Toutefois, il attise de plus en plus de convoitises. L’ascension fulgurante de l’entreprise Suno en est l’illustration la plus spectaculaire : en l’espace de quelques mois, sa valorisation a explosé, ses revenus annuels atteignant désormais 150 millions de dollars.
Mais cette manne financière s’accompagne d’un terrain particulièrement glissant. Les précédentes expérimentations d’OpenAI, notamment avec Sora 2 dans le domaine vidéo, ont déjà suscité polémiques publiques, critiques d’ayants droit et menaces judiciaires, faisant ressurgir la question du plagiat algorithmique. Les initiatives concurrentes telles que Suno ou Udio ont, elles aussi, été la cible de multiples plaintes pour atteinte au droit d’auteur, preuve que la frontière entre innovation et infraction reste ténue.
Un héritage libertaire qui pourrait se retourner contre OpenAI
L’approche d’OpenAI en matière d’encadrement suscite d’autant plus de vigilance que la société s’est souvent distinguée par une tolérance plus large que celle de ses rivaux. Là où Google (Gemini) ou Anthropic ont instauré des garde-fous stricts, OpenAI a régulièrement privilégié la souplesse d’usage et la liberté créative. Sam Altman a par ailleurs annoncé son intention d’introduire prochainement un système permettant la génération de contenus « réservés aux majeurs » et une personnalisation plus avancée au sein de ChatGPT.
Transposée au domaine musical, cette philosophie pourrait complexifier la gestion des droits, voire ouvrir la voie à une avalanche de litiges de la part des ayants droit. Pour qu’un tel outil voie le jour sans déclencher un séisme juridique, plusieurs prérequis apparaissent déjà incontournables :
- Nouer des partenariats structurants avec labels et artistes afin de sécuriser les usages ;
- Définir des accords contractuels explicites pour l’exploitation des œuvres existantes ;
- Assurer une transparence accrue sur les sources d’entraînement et les mécanismes de composition.
Un projet aussi ambitieux que périlleux
OpenAI a déjà démontré sa capacité à rallier à sa cause des partenaires de premier plan — qu’il s’agisse de géants technologiques, de médias ou de services mondialisés tels que Spotify, Zillow ou Booking.com. Reste que la musique est un terrain singulier, truffé de copyrights, de sensibilités artistiques et d’intérêts économiques souvent divergents.
À ce stade, impossible de prédire si l’entreprise parviendra à devenir pionnière dans cet univers particulièrement inflammable, où chaque avancée technologique semble encore devoir s’accompagner d’une controverse éthique ou juridique. Une chose est certaine : si OpenAI persiste, la création musicale par IA s’apprête à entrer dans une nouvelle ère — potentiellement enthousiasmante, assurément surveillée.
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