Presque 5 ans après avoir été annoncé par son géniteur Phil Fish, devenu entre temps l’une des personnalités marquantes de la scène indépendante, voilà que débarque enfin FEZ sur le Xbox Live Arcade. Déjà lauréat du prix du meilleur design artistique lors de l’Independant Game Festival 2008, il restait à FEZ de convaincre dans le gameplay autant qu’il l’avait déjà fait sur le plan visuel avant même sa sortie. En ce mois d’avril 2012, les sorties de grosses productions triple A ne se pressant pas au portillon, FEZ a donc toute la place dont il a besoin afin de séduire l’auditoire. Car que l’on soit réfractaire ou pas à son style graphique terriblement retro, FEZ est avant tout un jeu qui se repose énormément sur son gameplay et sur ses idées afin de séduire ceux qui ne le seraient pas encore par son design artistique.
[tab:Test]5 ans pour un jeu indé, c’est long, très long même et ce qui paraissait alors original au début de son développement ne l’est peut-être plus en 2012. Combien le XBLA a-t-il accueilli de jeux de plateforme en 2D se basant sur leur design artistique et sur des puzzles ? Heureusement pour lui, FEZ a tout d’un grand, ou presque, et il est bien plus qu’un simple hommage aux jeux qui ont bercé l’enfance des trentenaires d’aujourd’hui.
Sauver l’univers… encore
A-t-on besoin d’une histoire pour faire un bon jeu vidéo ? A cela, FEZ répond par la négative. Après tout, à quoi bon trouver une histoire quand le jeu vidéo permet de trouver plaisir, bonheur et originalité ailleurs que dans la narration. FEZ n’a pas d’histoire, mais un prétexte, comme tout bon jeu de plateforme 2D qui se respecte. On incarne donc Carlos, petit être blanc vivant dans un village paisible baigné de soleil en suspension et qui se réveille un beau matin dans sa chambre, avant que le patriarche de son village ne lui confie la mission de sauver l’univers qui menace de s’effondrer. Pour y parvenir, il va lui falloir aller au-delà de la deuxième dimension grâce à un petit chapeau appelé FEZ, qui lui permettra d’explorer la troisième dimension et de partir ainsi à la recherche de blocs qui rétabliront l’équilibre de l’univers. On sent rapidement que les développeurs ne se sont pas spécialement cassé la nénette pour faire dans l’originalité à ce niveau-là. C’est presque comme si le jeu semblait dire « Il va falloir que tu trouves des blocs. Pourquoi ? Mais on s’en fiche de savoir pourquoi…bon, s’il faut une raison, disons que l’univers va s’effondrer si tu ne les trouves pas. Maintenant va à leur recherche et arrête de poser des questions ! ». Les maigres textes et dialogues qui parfois parsèment le jeu donne le sentiment qu’il se sait dépourvu d’attrait scénaristique, et que tout dans FEZ fait référence au passé, à l’âge d’or des jeux de plateforme 2D et que celui qui y joue l’a très bien compris, sans avoir besoin d’explications supplémentaires. Chaque explication parait donc superflue, étant donné que le joueur sera le plus souvent dans un domaine connu : chercher des blocs jaunes pour sauver l’univers. Et si on a besoin d’autre chose, c’est qu’on s’est trompé de jeu.
A aucun moment ce manque de scénario ou de contexte ne parvient vraiment à déranger l’expérience. Le jeu est tellement conscient de cette lacune toute relative qu’il n’hésite jamais à en rire. Chaque gamer qui a connu la fin des années 80 et l’époque de la plateforme 2D reconnaitra des tonnes de références et de clins d’œil, le plus gros étant la musique et l’animation qui s’enclenchent lorsque l’on trouve un trésor, à peine copiée sur celle de Zelda. Mais quitte à avoir des références, autant en avoir des bonnes, un peu comme en musique. Pas de scénario donc, car dans FEZ, ce qui importe, c’est la substantifique moelle elle-même du jeu vidéo. Tout ce qui en fait un média à part, tout ce qui le définit par rapport aux autres médias de divertissement.
Passe la troisième !
Le gameplay et le level design, voilà ce qui fait de FEZ un jeu à part. Dès le début de l’aventure et la rencontre avec le vieux du village, Carlos reçoit la capacité de faire passer le monde de la 2D à la 3D. Enfin, pas tout à fait. Le jeu est en réalité conçu en 3D, à savoir les environnements sont tous tridimensionnels, mais le joueur peut à tout moment changer la perspective sous laquelle il observe le niveau, et sous laquelle Carlos se déplace. Celui-ci se déplace donc toujours en deux dimensions, mais le changement de perspective permet de voir les environnements sous un angle nouveau et ce qui était auparavant inaccessible se trouve subitement juste à portée de saut. Le jeu prend uniquement en compte la notion de profondeur dans les environnements, et pas dans les déplacements. Cela donne donc des niveaux qui regorgent de détails dans leur perspective, et un simple environnement peut souvent changer du tout au tout lors que l’on fait basculer la caméra sur la gauche ou sur la droite par une simple pression de gâchette. Lorsque l’on joue à FEZ, on se rend compte du véritable casse-tête qu’a dû être la planification des niveaux dont chaque détail a dû être minutieusement calculé et réfléchi afin d’inclure au mieux cette notion de changement de perspective. En deux mots : impressionnant et original, tout simplement.
FEZ est construit un peu comme un labyrinthe. Chaque environnement est connecté aux autres par un système de portes qui permet de passer directement de l’un à l’autre. On serait presque tenté de dire « un peu à la Metroid » toute proportion gardée, étant donné qu’à aucun moment Carlos ne reçoit des capacités supplémentaires. Pour faire simple, toutes les zones du jeu sont accessibles dès le départ (mises à part certaines petites zones qui nécessitent un certain nombre de cubes avant d’être accessibles), mais encore faut-il les trouver. Car l’aspect exploration est essentiel dans le gameplay de FEZ. Le monde est grand, voire très grand pour un jeu XBLA, et on a tendance à s’y perdre. Les quatre différentes perspectives sous lesquelles on peut observer chaque environnement font qu’on a parfois tendance à perdre un peu le fil. Heureusement que le jeu inclut une carte, mais celle-ci ne parvient pas totalement à éradiquer l’impression qui s’impose parfois au joueur d’être complètement paumé. Heureusement dès lors que l’on se perd avec plaisir dans l’univers de FEZ.
Afin de sauver l’univers (parait-il), il faut donc ramasser des cubes disséminés un peu partout dans les coins des environnements. Soit on trouve directement un gros cube, soit des fragments de cube qui en forment un une fois que l’on en a assemblé huit. Simple comme bonjour. Si le jeu nécessite 32 cubes afin de voir la fin (par ailleurs totalement psychédélique et particulièrement dans le ton du reste du jeu), ce sont en tout 64 cubes qui ont été planqué dans les coins et recoins de l’univers. 32 cubes normaux, ainsi que 32 anti-cubes, nettement plus difficiles à trouver. Les anti-cubes nécessitent souvent de résoudre des énigmes pour y avoir accès, énigmes qui sont, pour la plupart, extrêmement tordues. Il faut parfois se gratter la tête jusqu’au sang avant que l’étincelle du savoir viennent illuminer la matière grise. Le jeu ne donne que peu d’indices, souvent visuels, pour la façon dont il faut résoudre les énigmes. Les plus persévérants sècheront certainement un moment avant de récolter la totalité des cubes, une tâche ardue et longue qui nécessitera bien de la patience. Quant aux autres moins collectionneurs, trouver seulement 32 cubes leur mettra une petite dizaine d’heures bien remplies et par-dessus tout jouissives. Pas mal pour un jeu de plateforme/réflexion indé. Il est difficile de jouer à FEZ sans prendre son pied, sans se laisser totalement aspirer dans l’univers imaginé par les canadiens de Polytron, qui mélange insouciance, tranquillité et design, un peu comme sorti d’un songe de geek. Là encore, on ne peut qu’être impressionné devant des environnements dégageant une telle personnalité et une telle assurance.
Regard dans le retro
Il est clair que le paysage du XBLA a changé depuis la distinction qu’avait reçue FEZ lors de l’Independant Game Festival de 2008 pour son design visuel. Le style retro pixélisé ne peut plus être vraiment affublé du qualificatif « original » étant donné le nombre de productions dont les visuels sentent bon la nostalgie de l’époque 8 bits. Mais malgré tout, FEZ est un jeu magnifique et mémorable, et ce autant au niveau visuel que sonore. Il emprunte tant de choses à droite à gauche dans le domaine visuel, mais arrive avec ce qui semble être une facilité déconcertante à créer sa propre personnalité. Les environnements sont colorés et variés, un plaisir pour tout joueur, nostalgique ou pas d’un design pixélisé. Il semble parfois que Polytron a réussi à pixéliser le monde qu’ils ont créé, plutôt que d’avoir créé un monde pixélisé. A aucun moment on se demande ce que le décor représente. Les écureuils ressemblent à des écureuils, les souris à des souris, les égouts à des égouts, et Carlos ressemble à… un bonhomme blanc mignon comme tout.
Une telle prouesse est possible grâce à une utilisation des couleurs d’une impressionnante intelligence. Le jeu regorge de couleurs qui sont à chaque fois parfaitement appropriées pour créer l’atmosphère voulue par les développeurs. Pas en reste, les musiques sont très peu nombreuses et quelque peu en retrait, mais procurent un sentiment de tranquillité et de bien-être qui se doit d’être mentionné. La façon dont elles s’intègrent au jeu tout en discrétion et en finesse, et surtout sans tomber dans le piège de la musique purement retro à la NES, témoigne d’une approche intelligente du sound design. Design visuel retro, musique atmosphérique remettant du vieux à la sauce actuelle : un très bon combo que l’on espère revoir plus souvent sur le XBLA.
Toutes ces bonnes notes sont malheureusement contrebalancées par de sérieux problèmes techniques. Alors que le jeu ne parait pourtant pas être du genre à faire fondre les processeurs graphiques, des saccades et autres chutes de frame rate sont légion et ont tendance à faire sortir le joueur de son immersion pourtant si réussie. Ces problèmes techniques ne sont pas seulement présents lors des chargements des zones, mais également parfois en pleine phase de gameplay, ce qui a souvent pour conséquence de faire louper des sauts. Ceci n’est pas forcément grave, puisque Carlos ne peut pas mourir et qu’après chaque saut raté, il revient automatiquement de l’endroit où il s’était envolé dans les airs, mais cela arrive malheureusement suffisamment souvent pour être gênant. Un crash s’est même produit durant notre test, qui a nécessité un redémarrage de la console. A noter également que le jeu devrait prochainement recevoir un patch, beaucoup de joueurs ayant eu des problèmes de crash récurrents, en particulier ceux qui jouent à FEZ depuis une clé USB.
En résumé :
FEZ a tout pour plaire, tout pour séduire. Que l’on soit ou non nostalgique de l’époque 8 bits, réceptif ou pas à la vague retro sur laquelle surfent beaucoup de productions de la scène indépendante, cela n’a pas vraiment d’importance. FEZ est un petit joyau, de ceux que l’on souhaiterait voir plus souvent, de ceux qui peuvent réellement se targuer d’être originaux et d’apporter leur pierre à l’édifice de l’innovation dans l’industrie vidéoludique. D’une grande ingéniosité, le gameplay qui permet de changer la perspective sous laquelle on se meut virtuellement en deux dimensions dans les environnements tridimensionnels est une grande réussite qui cache un énorme potentiel d’idées de game design. Un gameplay qui devrait à n’en pas douter, faire des émules sur la scène indépendante. Polytron s’en sort donc haut la main avec un jeu dont l’incroyable sentiment de plaisir et de bien-être qu’il procure transforme aisément les 800 points Microsoft qu’il vous faudra dépenser pour l’acquérir en une affaire en or. Même si certains problèmes techniques viennent gâcher ce qui aurait pu être un sans-faute et lui font louper la première marche du podium, et même si l’on a tendance à vite perdre son orientation dans cet univers alliant charme et complexité, cela ne pèse pas bien lourd en comparaison du bonheur avec lequel on se laisse absorber dans ce monde fait de pixels. On ne nous avait pas menti, FEZ est bien à la hauteur de la réputation qu’il s’était taillée. Le genre de plaisir solitaire que seuls les jeux vidéo sont capables de procurer.
Mathieu Lanz
+ | Un gameplay d’une singulière originalité, le design artistique, l’atmosphère paisible, la durée de vie, le prix, la difficulté bien dosée |
– | De gros problèmes techniques, une orientation difficile, on peut ne pas aimer le style retro |
[tab:Fiche]
Type: | Plateforme/aventure | [xrrgroup][xrr rating=4.5/5 label= »Graphismes: »][xrr rating=5/5 label= »Bande Son: »][xrr rating=5/5 label= »gameplay: »][xrr rating=-/5 label= »scénario: »][xrr rating=4.5/5 label= »Durée de vie: »][/xrrgroup] |
Editeur: | Microsoft | |
Age/PEGI: | 3+ | |
Sortie: | 13.04.2012 | |
Multijoueurs: | aucun | |
Plates-formes: | XBLA | |
Testé sur: | XBLA |
[tab:Images]
[nggallery id=218]
[tab:Vidéo]
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=qx3zffpS5uA[/youtube]
[tab:END]