Après près de dix ans de silence, Retro Studios signe le comeback de l’une des licences les plus emblématiques de Nintendo. Nouveaux pouvoirs, nouvelle planète et accessibilité accrue composent une aventure séduisante, mais parfois trop indulgente.
Annoncé à la surprise générale lors d’un bref teaser diffusé en juillet 2017, à l’époque où l’E3 rythmait encore le calendrier vidéoludique mondial, Metroid Prime 4 : Beyond s’est longtemps fait désirer. Durant près d’une décennie, l’incertitude a plané : le projet verrait-il réellement le jour ou rejoindrait-il la longue liste des ambitions abandonnées ? Contrairement à Grand Theft Auto VI, récemment repoussé à l’horizon 2026, le titre développé par Retro Studios et édité par Nintendo a finalement tenu parole. Depuis le 4 décembre, il est disponible non pas sur une, mais sur deux machines : la Nintendo Switch première du nom, ainsi que la Nintendo Switch 2, commercialisée depuis l’été dernier. Reste une question centrale : cette nouvelle odyssée de Samus Aran justifie-t-elle une attente aussi prolongée, et mérite-t-elle une place de choix sous le sapin ?
Une élue sur une terre étrangère
Fidèle à une tradition bien ancrée dans la saga, la chasseuse de primes intergalactique se retrouve propulsée sur une planète inconnue, Viewros. Comme souvent, son armure, mystérieusement affaiblie, doit être reconstituée pièce par pièce, l’obligeant à repartir presque de zéro. Cette fois cependant, l’aventure prend une dimension inédite : Samus n’acquiert pas seulement de nouvelles aptitudes physiques, mais également des pouvoirs psychiques. Considérée comme l’Élue par un peuple à l’agonie, elle se voit confier des capacités extraordinaires… ainsi qu’un véhicule inattendu, une moto futuriste.
Entre ennemis altérés par l’influence des Metroid, biomes généreusement garnis mais manquant parfois d’audace artistique, et obstacles multiples, quitter Viewros s’annonce comme une épreuve de longue haleine pour l’héroïne.

Un FPS toujours aussi à l’aise sur console
Lors de sa sortie initiale sur GameCube en 2002, Metroid Prime avait marqué les esprits en réussissant un pari audacieux : adapter le FPS, genre historiquement associé au duo clavier-souris, à une console de salon. Un pari relevé avec brio, tant sur le plan du gameplay que de la direction artistique, et qui permit à la franchise de s’imposer durablement dans un secteur hautement concurrentiel.
Metroid Prime 4 : Beyond s’inscrit dans cette continuité, en exploitant pleinement les spécificités de la Switch. L’expérience est pensée aussi bien pour le jeu portable que pour l’affichage sur téléviseur, avec une définition pouvant atteindre la 4K. En mode nomade, la prise en main demeure classique et efficace, alternant combats et résolution d’énigmes sans accroc notable.
C’est toutefois en mode téléviseur que le titre déploie ses ambitions, avec trois schémas de contrôle possibles via les Joy-Con : une utilisation traditionnelle, un mode hybride intégrant la visée par mouvement du poignet, ou encore un fonctionnement proche de celui d’une souris. Sur le papier, ces options promettent une immersion accrue. Dans les faits, le résultat s’avère plus mitigé, en particulier pour le mode hybride, parfois activé par erreur et susceptible de nuire à la précision. À cela s’ajoute une contrainte physique non négligeable : à la longue, les poignets peuvent protester. Les pauses sont vivement recommandées.

Nouveaux outils, nouvelles limites
L’introduction de la Vai-O-La, une moto au design soigné, permet à Samus d’explorer une zone centrale aux airs de petit monde ouvert, malheureusement assez dépouillée. L’engin évoque, toutes proportions gardées, la Batmobile de Batman Arkham Knight, gadgets en moins. Il offre toutefois à la chasseuse une nouvelle silhouette, sublimée par une armure rouge et violette particulièrement réussie.
Côté gameplay, Samus ne se contente plus de ses traditionnels rayons et missiles. Les pouvoirs psychiques occupent désormais une place centrale. Activables via une commande dédiée, ils permettent de mettre en surbrillance des éléments de l’environnement, d’identifier des interactions possibles ou encore de débloquer des passages. Si cette fonctionnalité s’intègre logiquement à la narration — puisqu’elle émane directement des capacités de l’héroïne — son usage parfois excessif tend à ralentir le rythme et à surassister le joueur.
Cette impression est renforcée par la présence de Mackenzie, un ingénieur-soldat sauvé en début d’aventure, qui accompagne Samus ponctuellement. Si l’idée d’un soutien narratif peut séduire sur le papier, ses interventions fréquentes nuisent au sentiment de solitude, pourtant constitutif de l’identité de Metroid Prime. Véritable tutoriel ambulant, le personnage anticipe trop souvent les actions du joueur, au détriment de l’exploration et de la réflexion personnelle.
Une réalisation en retrait
Sur le plan visuel, le constat est plus sévère. Malgré quelques effets flatteurs à distance, le jeu peine à rivaliser avec les standards contemporains. Les textures et modèles accusent un retard certain, évoquant davantage l’ère PlayStation 3 qu’une console lancée en 2025. Même si l’ensemble surpasse certains titres récents de Nintendo, le décalage reste difficile à ignorer, d’autant plus sur Switch 2.

Une accessibilité qui divise
Là où Metroid Prime s’est historiquement distingué par un équilibre subtil entre exigence et progression, ce nouvel épisode opte pour une approche nettement plus indulgente. Ennemis peu menaçants, énigmes rapidement assistées, rappels constants : la difficulté générale apparaît en retrait. Une orientation qui pourrait viser un public plus jeune ou moins patient, mais qui risque de frustrer les amateurs de défis.
Pour autant, l’essentiel demeure intact. Retrouver Samus Aran dans une aventure dense, portée par une atmosphère envoûtante et une bande-son remarquable, reste un plaisir indéniable. Metroid Prime 4 : Beyond offre un FPS solide sur console et constitue, paradoxalement, une excellente porte d’entrée pour les néophytes hésitant à se confronter aux opus précédents. Un retour attendu, imparfait certes, mais loin d’être dénué de charme.
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