À l’heure où l’intelligence artificielle redéfinit les équilibres du secteur technologique, le concepteur de semi-conducteurs Arm opère un virage stratégique majeur : après des décennies à se limiter à la concession de licences de ses architectures, l’entreprise britannique s’apprête à produire ses propres puces. Une initiative d’envergure qui pourrait bouleverser son modèle économique et redessiner les rapports de force avec ses partenaires historiques.
Jusqu’ici, Arm se contentait de fournir ses conceptions de processeurs à des acteurs majeurs de l’industrie, à l’instar d’Apple, Nvidia ou encore Qualcomm, qui les intégraient à leurs propres composants. Désormais, sous l’impulsion de son actionnaire principal, le conglomérat japonais SoftBank, la firme ambitionne de s’affirmer en tant que fabricant à part entière. Une évolution qui pourrait faire d’elle une rivale directe de ses propres clients et transformer en profondeur son positionnement sur le marché. Selon des sources proches du dossier, le PDG d’Arm, Rene Haas, devrait officialiser cette nouvelle orientation stratégique dès l’été prochain.
Ce projet s’inscrit dans une dynamique plus large orchestrée par SoftBank, qui cherche à maximiser la valorisation de ses actifs technologiques. Son fondateur, Masayoshi Son, mise sur un investissement massif dans l’infrastructure dédiée à l’intelligence artificielle, avec pour fer de lance l’initiative baptisée Stargate. Ce programme prévoit l’injection colossale de près de 400 milliards de livres sterling dans le domaine, en partenariat avec des géants tels qu’OpenAI, Microsoft et Nvidia, Arm étant appelé à jouer un rôle central dans cette expansion.
Le premier fruit de cette nouvelle stratégie prendra la forme d’un processeur central (CPU) conçu pour équiper les serveurs des centres de données, répondant ainsi aux exigences croissantes de l’IA générative. Ce composant de nouvelle génération ambitionne notamment de séduire des acteurs comme Meta, en quête de solutions plus sobres sur le plan énergétique pour remplacer les puces des leaders traditionnels du secteur, Intel et AMD.
Toutefois, Arm ne prévoit pas d’ériger ses propres infrastructures de production : fidèle à son ADN, l’entreprise externalisera la fabrication de ses processeurs, probablement auprès du géant taïwanais TSMC, leader incontesté du marché de la fonderie. Ce modèle hybride lui permettra de se concentrer sur son cœur de métier – la conception – tout en capitalisant sur les capacités industrielles de ses partenaires.
L’entrée d’Arm dans la fabrication de semi-conducteurs intervient alors que la société connaît une ascension fulgurante en Bourse. Depuis son introduction au Nasdaq en 2023, sa valorisation a dépassé les 173 milliards de dollars, portée par l’explosion des besoins en puissance de calcul liés à l’intelligence artificielle. Son influence croissante dans le domaine des centres de données, notamment grâce à des collaborations stratégiques avec Nvidia et Amazon, lui permet aujourd’hui d’envisager une expansion ambitieuse.
En s’attaquant directement à la production de puces, Arm franchit un cap décisif et vient défier les mastodontes du secteur. Ce changement de paradigme pourrait bien lui permettre de s’imposer comme un acteur incontournable de l’ère de l’intelligence artificielle, tout en redéfinissant les frontières entre concepteurs et fabricants de semi-conducteurs.