Il parait qu’un homme, qu’il se marie ou pas, finira par se repentir. C’est Socrate qui l’a dit, et j’en fais la triste expérience. Je m’appelle Vincent Brooks, jeune homme ordinaire ayant dépassé la trentaine depuis maintenant deux ans. Je n’ai pas beaucoup changé depuis le gymnase, du moins pas dans mon quotidien. Mis à part que j’ai rejoint un travail qui me demande beaucoup de mon temps sans me rendre le pareil niveau satisfaction et estime de moi. Je n’ai pas de plans pour l’avenir, rien dans le viseur, je me surprend parfois à ne pas même y réfléchir, car l’avenir me fait peur, tout comme le changement et les rides qui apparaissent sur mon visage de trentenaire resté coincé dans mes jeunes années et souhaitant y rester pour toujours.
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La trentaine de plein fouet
Cela fait depuis le gymnase que j’ai rencontré celle qui partage toujours et encore ma vie. Katherine, Belle et svelte, avec ses petites lunettes qui se cachent derrière sa frange. Mais elle souhaite changer, évoluer, passer à l’étape suivante dans notre relation, c’est du moins ce qu’elle semble vouloir me faire comprendre alors qu’elle me conte la façon dont ses amis semblent avoir des sujets de conversation totalement en décalage avec ce qu’elle vit. Ils parlent mariage et chérubins et, de son côté, rien ne se profile de comparable. Souhaite-t-elle que je lui passe la bague au doigt ? Il semble bien que cela soit le cas. Une telle pensée me stresse terriblement. A dire vrai, je ne l’ai même pas vu venir. Il faut dire que pour Katherine, son travail passe avant tout le reste. J’ai même parfois l’impression qu’il passe avant moi. Elle qui ne m’octroie que quelques entrevues dans un café durant ses rares heures de temps libre. Comment pourrais-je être prêt à faire une chose pareille, je n’ai ni économies, ni plans d’avenir, ni réelle envie de faire le grand saut.
C’est pourquoi j’essaie de trouver du réconfort auprès de mes potes, ceux qui ont toujours été auprès de moi depuis le temps où nous étions assis sur les bancs d’école, ceux avec qui j’ai fait toutes mes conneries d’adolescent, avec qui j’ai partagé mes premières expériences avec les filles, qui sont devenus au fil des ans un peu comme ma deuxième famille. On se retrouve quasiment tous les soirs dans le Stray Sheep, bar typiquement urbain et branché, juste entre nous, il y a Jeremy, plutôt du genre fidèle et romantique qui garde malgré tout ses sentiments pour lui, Orlando qui est plutôt du genre à ne pas vouloir s’engager et toujours à la ramener sur tout, et Toby, le plus jeune d’entre nous qui est si inexpérimenté et si Candide dans son approche des femmes et secrètement amoureux d’Erica, la serveuse du bar.
C’est donc là que l’on passe nos soirées, à discuter de nos problèmes. Enfin, à dire vrai et durant les huit jours qui vont suivre, plutôt de mes problèmes car dès le premier avril, je vais traverser huit jour que je ne serai pas prêt d’oublier, mais qui finalement passeront comme une quinzaine d’heures, voir un peu plus. On picole comme à nos plus belles années, que cela soit des rhum cocas, du whisky, du saké ou de la bière, cela semble avoir un aspect réconfortant, comme si cela aidait à oublier les problèmes, ou plutôt à les rendre moins envahissants. Il m’arrive de me lever pour aller faire un tour, discuter avec les autres clients de l’établissement, débloquer des nouvelles musiques dans le jukebox, écouter les remontrances d’Erica quant à ma relation avec Katherine, regarder les nouvelles à la télévision ou encore lire mes sms auxquels je réponds parfois, quand j’en ai envie, mais qu’il m’arrive d’écrire avant de les effacer tellement les envoyer me semble inutile ou déplacé.
Idéal Femina
Ce premier avril, je décide de ne pas rentrer tout de suite chez moi lorsque mes potes quittent le bar. Après que Katherine m’ait bien fait comprendre qu’elle souhaitait que je l’épouse, il me faut un peu de temps pour encaisser la situation à laquelle je ne m’étais pas préparé. Après avoir recommandé un autre vers de rhum coca, je reste là, seul à ma table à ruminer mes pensées qui s’entrechoquent les unes avec les autres. Soudain, une fille s’assied à ma table sans vraiment prévenir, semblant un peu débarquer de nulle part. Sa spontanéité et sa désinvolture me séduisent dès le premier coup d’œil. Afin d’oublier un peu mes déboires conjugaux, je me laisse happer par sa conversation pour me rendre compte que nous sommes d’accord sur beaucoup de sujets qui dévorent mes pensées. C’est si simple et spontané, cela fait longtemps que je ne m’étais senti aussi bien. Ses paroles semblent apaiser la douleur qui me mange , mais il faut que je rentre, il est tard et je préfère retourner affronter seul mes pensées dans mon minuscule appartement avant de tomber dans les bras de Morphée.
Suite à une nouvelle nuit cauchemardesque rythmée par des évènements plus bizarres les uns que les autres, j’ouvre péniblement les yeux, encore quelque peu soul de mon escapade nocturne de la veille. Mais quelqu’un dort à côté de moi, c’est la fille de hier soir ! Elle dit s’appeler Catherine, tu parles d’une coïncidence. Mais comment est-elle arrivée là ? Je ne me souviens de rien, je croyais pourtant être rentré tout seul. Malgré ma surprise et mon remord d’avoir visiblement trompé celle qui partage ma vie, je ne peux une nouvelle fois m’empêcher de la trouver canon, sa silhouette, sa spontanéité, sa voix, c’est exactement mon genre de fille, comme sorite tout droit de mon imagination. J’essaie en vain de lui résister, mais c’est peine perdue et j’ai vite fait de m’abandonner à elle tout en me convaincant que c’est entièrement sa faute, et que je n’y suis pour rien, me complaisant dans un rôle de victime que je m’attribue avec soulagement. Je me force malgré tout à me lever afin d’aller au travail et lui demande poliment de partir, sans même savoir qu’elle avait déjà un tour d’avance, puisque mon numéro de téléphone avait déjà glissé entre ses doigts.
Que dois-je faire ? me laisser aller à l’adultère et écouter mes pulsions ou alors suivre ma raison et arrêter de vivre dans le passé pour enfin graver dans la pierre la relation que j’ai avec celle qui partage ma vie depuis tant d’années, mais avec laquelle la flamme semble parfois être vacillante, pour ne pas dire proche de l’extinction. Celle qui, selon elle, porte mon enfant. Je ne sais pas quoi faire, et mes amis ne sont pas d’une grande aide, puisqu’ils sont plutôt du genre à se payer ma tronche, moi et ma situation qui me tombe dessus comme une fatalité. Dois-je faire le pas avec Katherine ou alors faire l’inverse et m’abandonner à la sulfureuse Catherine ? Je trouverai certainement la réponse d’ici 8 jours.
Grimpe ou crève
Il parait qu’il y a une malédiction qui se répand dans la ville. Les hommes sont emportés vers l’au-delà durant leur sommeil et on les retrouve au petit matin pétrifiés, le visage tendu comme si ils étaient morts de peur. Toutes les victimes sont dans ma tranche d’âge, et je crois bien que cette malédiction, même si je n’y crois qu’à moitié, s’est également abattue sur moi. J’ai commencé à faire des cauchemars, des cauchemars épouvantables qui se répètent nuit après nuit. Je ne veux pas y croire mais il faut que je me fasse une raison. Je me demande d’ailleurs quel rapport ils ont avec Catherine, car ils ont commencé à peu près au moment où elle est entrée dans ma vie.
C’est chaque nuit la même chose, je me retrouve au pied d’un gigantesque mur composé de blocs empilés les uns sur les autres, si haut que je ne peux en voir le sommet. Je me retrouve là, en caleçon avec mon oreiller sous le bras et mes cheveux ébouriffés. Cela parait si réel que j’ai du mal à séparer mes rêves de la réalité. Une voix me dit qu’il faut que je grimpe si je veux garder la vie sauve. Je m’exécute, car les rangées de blocs tombent une à une m’obligeant à ne jamais m’arrêter et à ne jamais me retourner. Mais quel casse-tête ! Il faut que je les positionne afin de pouvoir grimper dessus. Ils répondent à une logique implacable et à des règles strictes. Si je veux arriver en haut du mur, il me faut réfléchir vite, trouver ma voie dans ce dédale de cube entassés les uns sur les autres. Certains objets sont là afin de me simplifier quelque peu la tâche. Ils me permettent par exemple de créer des blocs afin de me sortir de situations inextricables, ou alors de me laisser grimper deux blocs à la fois au lieu d’un seul. Des oreillers sont également répartis afin de me faire gagner un peu de temps, et de repousser l’échéance inéluctable, de retarder ce qui semble parfois être mon destin qui me poursuit et parait gagner du terrain chaque seconde qui passe.
A chaque fois que je réussis à gravir les murs érigés devant moi et à me réveiller pour de vrai, je sais que la nuit d’après, il faudra que j’y retourne. Et chaque nuit, les puzzles deviennent plus complexes, plus tordus encore avec des blocs de toute sorte. Fait de glace, explosifs, ou encore s’effritant sous mon poids, certains cachent même des pics qui sortent dès qu’ils sentent ma présence et essayent de m’embrocher vivant. Je ne dois jamais relâcher ma concentration, sinon je sais que c’est la fin. Heureusement que je peux amonceler un certain nombre de vies afin de pouvoir réessayer plusieurs fois, sinon, cela serait inhumain, déjà que c’est parfois d’une difficulté à s’arracher les cheveux, il ne manquerait plus que ça.
A chaque fois que je gravis l’un des murs avec succès, je me retrouve dans une espèce de salle de repos entouré de moutons. A y regarder de plus près, je me rends vite compte qu’ils sont en réalité des autres hommes également pris au piège de cette malédiction qui s’abat apparemment sur ceux qui trompent leur partenaire. Ils semblent tous osciller entre résignation et envie de s’en sortir. Il y en a même un qui me vend des objets afin de m’aider sur mon chemin de croix. Pour passer au mur suivant, je dois entrer dans ce qui semble être un confessionnel où une voix me pose une question sur ma vision personnelle du couple avant de m’envoyer face à face avec l’amoncellement de blocs suivant. Mes réponses, comme celle que je donne dans la vie réelle, semble faire se mouvoir une sorte de baromètre qui montre la façon dont je perçois les relations de couple. Il semble même avoir une influence sur la façon dont je réagis aux situations auxquelles je dois faire face. Étrange… C’est chaque nuit le même rituel, le dernier niveau de chaque cauchemar est plus difficile. J’y suis pourchassé par ce qui semble être ma peur la plus profonde, celle qui ne saurait laisser ma conscience tranquille. J’y vois une fois Katherine en robe de mariée d’une taille gigantesque, une tronçonneuse à la main bien décidée à me réduire en bouillie, une autre, c’est un bébé géant qui semble me supplier d’arrêter de fuir devant lui. Vais-je finir par y perdre la tête ? Comment gérer l’apparition de Catherine dans ma vie ? Comme gérer mes infidélités répétées par rapport à Katherine ? Que choisir ? Que faire ? Finirais-je par m’en sortir vivant et par trouver la solution à mes peurs et à mes angoisses ?
En résumé :
D’une déconcertante originalité, Catherine s’avère donc être une surprise de taille. Le thème choisi par les développeurs d’Atlus ne plaira pas à tout le monde, puisque le jeu est focalisé sur le problème de la crise de la trentaine que vivent les hommes dans la société moderne. Mais qu’à cela ne tienne. En tant que jeu vidéo, Katherine s’avère être un puzzle game plutôt correcte, bien pensé et d’une bonne profondeur qui oblige à réfléchir vite et bien sans jamais faire de concession quant à sa difficulté herculéenne qu’il tartine au visage de ceux qui s’y essaient et qui, malgré son aspect répétitif et la relative frustration qu’engendre une telle difficulté, est toujours suffisamment accrocheur pour que l’on y retourne la fleur au fusil afin de gravir enfin ce satané mur qui nous résiste. Mais comme expérience interactive où l’on se sent complice de Vincent, où l’on comprend et partage les problèmes auxquels il fait face et où nos choix personnels s’entremêlent à sa destinée, Catherine est tout simplement unique et inoubliable.
Mathieu Lanz
+ | Le style graphique et artistique magnifique, le character design, l’histoire, la qualité d’écriture, la bonne durée de vie, les choix qui influencent l’histoire, une expérience unique et particulière |
– | Difficulté monstrueuse, phases de gameplay quelque peu répétitives, on peut ne pas se sentir concerné par l’histoire et les situations, |
Type: | inclassable | [xrrgroup][xrr rating=4.5/5 label= »Graphismes: »][xrr rating=4.5/5 label= »Bande Son: »][xrr rating=4/5 label= »gameplay: »][xrr rating=5/5 label= »scénario: »][xrr rating=4/5 label= »Durée de vie: »][/xrrgroup] |
Editeur: | Deep Silver | |
Age/PEGI: | 18+ | |
Sortie: | 09.02.2012 | |
Multijoueurs: | aucun | |
Plates-formes: | PS3/Xbox360 | |
Testé sur: | Xbox360 |