À l’heure où la politique douanière des États-Unis connaît une intensification sans précédent, les perspectives de relocalisation de la production technologique sur le sol américain suscitent de vives interrogations. L’administration en place multiplie les initiatives pour inciter les grandes firmes à rapatrier une partie, voire la totalité, de leur chaîne de fabrication. L’objectif affiché : restaurer la souveraineté industrielle nationale. Mais une telle ambition se heurte à des obstacles financiers et logistiques considérables.
Dan Ives, éminent analyste et directeur mondial de la recherche technologique chez Wedbush Securities, a récemment exprimé un scepticisme appuyé quant à la faisabilité d’un iPhone intégralement fabriqué aux États-Unis. Selon ses projections, une telle entreprise se traduirait par une envolée spectaculaire des coûts, conduisant à un prix de vente pouvant atteindre les 3 500 dollars par appareil – une multiplication par trois du tarif actuel.
L’expert pointe du doigt la complexité extrême de la chaîne d’approvisionnement qui permet aujourd’hui à Apple de produire ses smartphones à grande échelle. Cet « écosystème industriel sophistiqué », patiemment développé en Asie, notamment en Chine, serait extrêmement onéreux à reconstituer sur le territoire américain. « Si l’on tentait d’implanter des unités de production en Virginie-Occidentale ou dans le New Jersey, les conséquences tarifaires seraient immédiates pour le consommateur », précise Ives.
L’analyste estime qu’un investissement colossal de l’ordre de 30 milliards de dollars serait nécessaire pour relocaliser ne serait-ce que 10 % des capacités de production actuelles. Ce processus, d’une durée estimée à trois années, représente un chantier titanesque tant sur le plan logistique qu’infrastructurel. Or, à ce jour, environ 90 % des iPhone continuent d’être assemblés en Chine, un chiffre qui illustre la dépendance persistante d’Apple à l’égard de ses partenaires asiatiques.
La récente surenchère tarifaire entre les États-Unis et la Chine n’a rien arrangé. Les droits de douane appliqués aux importations chinoises ont été significativement relevés, atteignant désormais un taux cumulé de 125 % dans certains cas. Une telle pression fiscale renforce le risque d’augmentation du prix final des produits, indépendamment même d’un éventuel transfert de la production.
Dans ce contexte, la firme à la pomme pourrait être contrainte de répercuter ces coûts supplémentaires sur le consommateur, à moins de consentir à une réduction significative de ses marges bénéficiaires – une hypothèse peu probable pour une entreprise aussi soucieuse de sa rentabilité. La construction d’usines, le recrutement de main-d’œuvre spécialisée et l’adaptation des chaînes logistiques nécessitent des ressources colossales et ne sauraient se faire du jour au lendemain.
L’interrogation centrale demeure donc entière : les États-Unis ont-ils les moyens, à court terme, de transformer leur rêve industriel en réalité tangible ? Dans un environnement économique en constante mutation, marqué par des revirements politiques fréquents et des tensions commerciales durables, la perspective d’un iPhone entièrement « Made in USA » semble pour l’instant davantage relever de l’utopie que de la stratégie réalisable.