Un cadre d’entreprise, sa femme, sa famille, au moment où les choix professionnels de l’un font basculer la vie de tous. Philippe Lemesle et sa femme se séparent, un amour abimé par la pression du travail. Cadre performant dans un groupe industriel, Philippe ne sait plus répondre aux injonctions incohérentes de sa direction. On le voulait hier dirigeant, on le veut aujourd’hui exécutant. Il est à l’instant où il lui faut décider du sens de sa vie.
Après « La loi du marché » et « En guerre », Stéphane Brizé poursuit dans la veine du cinéma vérité avec ce drame social glaçant qui met à nu les mécanismes managériaux des grandes entreprises côtées en Bourse. Le film s’ouvre sur un long plan séquence qui montre Philippe Lemesle et sa femme, assistés de leurs avocats respectifs, en train de s’écharper au sujet de leur divorce. On comprend peu à peu que le couple a été broyé par la vie professionnelle du mari. Débordé par ses responsabilités croissantes, celui-ci passe plus de temps au bureau qu’auprès de sa femme et de son fils. Au point que sa femme a l’impression d’être mariée à « Elson », l’entreprise qui emploie Lemesle. Mais le monde de Lemesle, jusqu’ici carriériste et stable dans son couple, n’a pas fini de s’écrouler. Au travail, ce cadre supérieur va se retrouver attaqué de toutes parts lorsque son employeur lui demande de désigner 58 personnes dont il faudra se séparer pour dégraisser « Elson ». Si dans « En guerre », le réalisateur adoptait le point de vue des salariés pour ausculter la fermeture d’un site industriel, dans « Un autre monde », il s’intéresse à la violence imposées aux cadres responsables des suppressions de postes et montre comment le travail affecte la vie privée dont les rapports de couple. A ce titre, le film illustre à merveille les théories de Christophe Dejours, grand spécialiste de la souffrance au travail, qui est du reste remercié dans le générique de fin.
Le film alterne ainsi les moments passés au bureau, les séances de travail avec les scènes en lien avec la vie privée, notamment celles consacrées à l’hospitalisation du fils en hôpital psychiatrique suite à une décompensation psychotique.
Saisissant de justesse, Vincent Lindon (qui retrouve ici Stéphane Brizé pour la cinquième fois) est totalement investi dans son rôle. Son interprétation est d’une force inouïe et on suit avec intérêt l’évolution de son personnage qui va peu à peu s’opposer aux directives qui lui sont adressées. Mention spéciale à Marie Drucker. Coupante comme une lame, la journaliste est impressionnante de justesse dans son rôle de bras armé des patrons. Porté par les performances magistrales de ses interprètes filmés au plus près, ce drame fort et sensible sur la souffrance au travail est une œuvre choc à ne pas manquer !
Un autre monde
Un film de Stéphane Brizé
Avec Vincent London, Sandrine Kiberlain, Marie Drucker, Anthony Bajon
Distributeur : Xenix Filmdistribution
Durée : 1h36
Age légal : 16 ans
Age suggéré : 16 ans
Date de sortie : mercredi 16 février 2021