Le Japon a toujours fasciné et nourri notre imaginaire avec ses richesses, sa culture, son histoire et bien entendu les légendes qui ont marqué les périodes les plus sombres du pays. Assassin’s Creed Shadows concrétise enfin les désirs de pouvoir incarner les puissants guerriers qui jadis ont façonné les terres du pays du soleil levant et vient enfin récompenser des années d’attente. Mais avant tout, cet épisode estampillé Shadows intègre le projet mis en avant en 2022 par Ubisoft et a pour but de relancer cette licence majeure en perte de vitesse, malgré des ventes au rendez-vous, dû à la direction prise depuis Assassin’s Creed Origins et essayer de réunifier sa communauté divisée.
Conditions de test : Assassin’s Creed Shadows a été testé sur PlayStation 5 Pro avec les paramètres graphiques équilibrés afin de profiter des meilleurs graphismes et du rafraîchissement à 40 images par seconde grâce au mode 120 Hz, puis comparé à la version PlayStation 5 standard dans les mêmes conditions. La version Pro bénéficie d’un meilleur rendu à l’écran avec des graphismes plus nets, un jeu de lumière plus prononcé grâce au Ray-Tracing avancé et une colorimétrie plus vive et donc plus fidèle.
Au lancement d’Assassin’s Creed Shadows on tombe sur l’animus HUB dont l’interface reprend les différentes dates, représentées comme mémoire, qui coïncide avec les précédents jeux de la saga, enfin, presque tous les jeux, puisque seuls les titres à partir d’Origins apparaissent. Cette interface permet simplement de lancer les jeux Assassin’s Creed s’ils sont installés sur votre machine ou vous renvoie directement sur le store de votre plateforme afin de centraliser la saga, comme cela est fait pour d’autres jeux, comme Call of Duty par exemple. Mais ce qui choque, c’est que les premiers Assassin’s Creed n’apparaissent pas sur cette fresque temporelle. Il est vrai que le premier jeu retraçant la vie d’Altaïr n’a pour l’instant pas bénéficié d’un remaster ou d’un remake à l’heure actuelle, donc sa compatibilité avec les machines de dernière génération n’est pas possible, mais la saga Ezio Auditore à fait l’objet d’une compilation et les autres titres comme Black Flag, Chronicles China ou encore Assassin’s Creed 3 remastered sont bien présents et tourne parfaitement sur Playstation 4 et donc par extension sur Playstation 5 et il en va de même sur Xbox séries. Un oubli de la part d’Ubisoft ? ou est-ce une nouvelle fois un mépris envers les fans afin de dissocier la saga originelle qui a hissé cette franchise au sommet à la nouvelle direction des jeux Assassin’s Creed? En attendant, la seule réponse d’Ubisoft est la promesse que cette interface évoluera dans l’avenir et sera d’office intégrée au prochain titre de la licence.
Un nouveau Credo, le kakushiba-ikki !
1579, le Japon vit l’une de ses plus sombres histoires qui marque la fin de l’ère Sengoku. Le puissant et respecté Daimyo Oda Nobunaga impose de force sa vision pour unifier le pays qui consiste à faire disparaître tous ceux qui n’adhèrent pas à son idéologie de paix. Corruptions, trahisons, abus de pouvoir, voilà le contexte dans lequel Assassin’s Creed Shadows nous invite à prendre part à ce conflit en incarnant deux visions, l’une définie par la vengeance et l’autre qui cherche la rédemption en combattant les démons de son passé.
Après une rapide présentation de l’animus ego sous forme d’un mauvais spot publicitaire qui se termine par un piratage et une invitation étrange, Shadows commence son récit par une interaction avec un personnage appelé “le guide”, qui nous met en garde sur les séquences mémoriels que nous allons vivre et leur incompréhension puisqu’elles sont fragmentées au début de l’aventure, mais essaie de nous rassurer sur le fait que tout ceci à un but bien précis.
Ce guide à la voix féminine reprend un peu l’aspect dématérialisé de l’entité à la fin de Vahala qu’on espère toujours être Desmond Miles piégé dans l’animus mais l’espoir est vite balayé ainsi qu’une hypothétique aventure en dehors de l’animus tant espéré qui marquait avec brio les premiers jeux.

Suite à cet avertissement, l’histoire commence par la mise en place de Diogo, esclave noir à la carrure imposante, qui va rapidement interpeller Oda Nobunaga au point de le faire rejoindre son armée et devenir par la suite son puissant Samouraï Yasuke et guider le massacre du clan Iga, dont est issu Noae, avant d’arrêter brutalement la séquence. La mise en place du personnage est assez expéditive et les raccourcis sont bien maladroits et tirés par les cheveux. Ubisoft a avoué que Yasuke a été pensé et rajouté bien après la conception du jeu et du personnage de Naoe. Ça se confirme sur l’ensemble de l’aventure.
Commence alors une nouvelle mémoire et relie l’attaque du clan Iga et l’implication de Naoe dans l’aventure. Le clan Iga se compose de shinobi et le lien avec les assassins est rapidement fait. De plus, dans cette séquence, le père de Naoe lui remet une lame secrète et lui demande de se rendre au Kofun de la région, un lieu de culte, afin d’y récupérer une mystérieuse boîte et son contenu sans jamais l’ouvrir. Les événements s’enchaînent et l’histoire se met en place et intègre beaucoup d’éléments en nous plongeant dans le grand bain sans plus d’explications, comme le fait que Naoe possède et maîtrise déjà les facultés des assassins. De fait, on suit simplement les objectifs en mettant de côté le questionnement sur le pourquoi et surtout le comment. Pourtant, le guide nous avait prévenus.
Ce sentiment d’incompréhension générale au début de l’histoire, dans lequel on cherche à identifier ou qu’on essaye de relier à la confrérie originelle et aux éléments connus par tous, perdure sur la première quinzaine, voire la vingtaine d’heures de jeu, en fonction de votre avancée. Ceci est dû à la structure de la narration qui s’articule autour de cinq axes qui ajoutent couche par couche les éléments comme un mille-feuille, et franchement, cela peut partir rapidement dans tous les sens et nous perdre. On commence par la vengeance de Naoe, puis son récit personnel, on enchaîne sur ce qui la réunit à Yasuke, son récit personnel avec en toile de fond la ligue et la reconstitution de l’animus, puis viennent se greffer les récits secondaires et on recommence la boucle.

L’épopée de Shadows est libre et permet de vivre l’histoire à son rythme tout en gardant la narration au centre du jeu. On vient piocher en quelque sorte les missions qu’on souhaite réaliser, présentées sous la forme d’un tableau de chasse. Mais si dès le début, on passe à côté du récit sur le passé de Naoe, on ne comprend pas le but du clan Iga et son rôle. Il en va de même pour l’ascension de Yasuke dans l’armée d’Oda Nobunaga. Un peu comme si on avait loupé une étape.
Honnêtement, je ne sais pas si la progression est bloquée en ne réalisant pas certaines quêtes, puisque j’ai volontairement stoppé la traque et la vengeance de Noae qui est l’élément central pour me focaliser rapidement sur son récit personnel à chaque fois que cela était possible.
Assassin’s Creed Shadows offre la possibilité de suivre son épopée en VOSTFR, donc en doublage japonais. C’est un vrai plus pour ceux qui souhaitent une immersion bien plus poussée et qui vient récompenser l’excellent travail fait sur l’écriture et les cinématiques, bien que pour les expressions faciales, on repassera. Côté bande son, la proposition est inégale. Certaines musiques collent parfaitement à l’univers, tandis que sur certaines scènes, on se demande si le compositeur n’a pas eu quelques soucis.
Les développeurs ont une nouvelle fois fait les choses en grand pour peindre l’histoire de Naoe, pardon, l’histoire de Naoe et de Yasuke et cela passe par la carte du jeu. Moins grande que celle de Valhalla, l’ère de jeu reste conséquente et toujours aussi bien travaillée et détaillée avec son jeu d’ombre et de lumière impressionnant et des qualités graphiques limites bluffantes, le tout rythmé par des mécaniques de saison, d’un cycle jour-nuit et d’une météo dynamique. L’univers est comme d’habitude dépaysant et nous fait voyager de la province de Wakasa à la province de Kii en passant par les villes de Kyoto, Sakai ou Azuchi. Par contre, la structure reste similaire aux derniers opus, et bien que le studio ait écouté les retours des joueurs, la carte reste parsemée de points d’interrogation, d’activités secondaires, de collectibles et de points de vue connus de la licence. Mais cette fois, c’est à vous de découvrir la carte et les points d’intérêt s’affichent au fur et à mesure de votre avancée. Les fameux points de vue, dont le sigle représente un aigle connu de tout bon joueur de la franchise, ne servent plus à découvrir une partie de la carte, mais deviennent juste un point d’observation et de déplacement rapide. Cette nouvelle approche encourage l’exploration et s’applique également aux missions. Lorsqu’on choisit un objectif, on ne suit plus un point défini sur la carte. À la place, un ou plusieurs indices définissent une zone de recherche. Par exemple, ils sont à Yamato, ils sont au sud-ouest de Katsuragi et ils sont au sanctuaire de Kompia. C’est à vous de vous repérer sur la carte et une nouvelle fois d’explorer la zone pour trouver votre objectif par l’observation directement sur le terrain ou d’envoyer un éclaireur pour vous faciliter la tâche. Il est toujours possible d’activer le mode exploration guidée dans les options et de retrouver une exploration plus linéaire, ce que je vous déconseille fortement puisque Shadows a été conçu pour être joué sans l’exploration guidée.
Mais Assassin’s Creed reste Assassin’s Creed et malgré tous les efforts du studio, on retombe dans les travers de la série. C’est grand, mais c’est vide et ça manque de vie. Une nouvelle fois, la gestion du comportement des Pnjs reste basique, voire catastrophique. Qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il fasse nuit, rien ne change, ils restent pour la plupart statiques ou suivent leur petit script sans rien changer. Cela s’applique également aux Pnjs qui interviennent dans les quêtes. Même s’il y a le feu, il reste sur place tant qu’on n’a pas lancé la prochaine étape. C’est déroutant, surtout en 2025 avec les machines actuelles et après la démonstration de Kingdom Come Deliverance II dans ce domaine, pourtant sortie il y a de cela tout juste un mois. De temps en temps, on peut tomber sur une discussion ou un pnjs qui nous interpelle directement, ce qui se solde par la récupération de rumeurs ou d’indices sur le monde. Tout est scripté sans aléas et c’est sans compter une nouvelle fois sur une IA affreuse. Les ennemis sont aveugles, sourds et bêtes, rien de plus à ajouter.

Assassin’s Creed Shadows entame le renouveau de la licence ainsi que son retour sur le devant de la scène et pour marquer le coup, les développeurs ont misé sur deux approches différentes en termes de gameplay afin de contenter tout le monde et ça marche enfin presque. Comme Assassin’s Creed Syndicate avec Jacob et Evie Frye. Dans l’ensemble, le duo Naoe et Yasuke matche bien grâce à leur complémentarité. Naoe est une shinobi et son gameplay s’adapte parfaitement à l’ADN de la franchise et honnêtement, ça fait du bien de pouvoir retrouver ce gameplay si grisant accentué par une fluidité dans ses mouvements et dans ses animations qui font écho à Assassin’s Creed Unity. Se mouvoir dans l’ombre n’a jamais été aussi plaisant grâce au travail effectué sur la gestion de l’ombre et de la lumière. Yasuke quant à lui est le guerrier ultime. Sa carrure et sa puissance imposent le respect et, contrairement à sa doublure de l’ombre, il peut utiliser plusieurs types d’armes. Du katana pour découper ses adversaires au kanabo pour les briser ou au Teppo pour les maintenir à distance, le samouraï ne fait pas dans la dentelle. De quoi varier son plaisir à tout moment. Par contre, pour contrebalancer cet avantage au combat, Yasuke est un personnage lent et lourd et pas du tout taillé pour l’infiltration.
Bien que cette proposition soit intéressante, au fil de l’aventure, on délaisse petit à petit Yasuke au profit de Naoe pour sa prise en main plus rapide, plus agile ou tout simplement parce qu’elle offre le gameplay attendu pour un Assassin’s Creed. Ce sentiment s’accentue sur le fait que le changement de personnage passe obligatoirement par un temps de chargement, même s’il reste très court. Par ailleurs, si on se trouve dans un lieu en alerte, qu’on infiltre un château par exemple, il est impossible de changer de personnage. Mis à part certaines missions construites dans ce sens, on aurait aimé pouvoir switcher à la volée et pourquoi pas dynamiser les phases de combats.
Mais voilà, au-delà des aptitudes qui définissent chacun de nos héros, la prise en main, une nouvelle fois adaptée à l’action-rpg, n’apporte que peu d’évolution par rapport au trois précédents opus et on retrouve les mêmes problèmes déjà maintes fois dénoncés, en particulier dû au fait que les ennemis possèdent une barre ou plusieurs barres de vie démesuré ce qui ne colle pas à la franchise. Pourtant, Ubisoft en est conscient, puisque dans les options, il est possible d’activer l’assassinat assuré afin de faciliter les phases d’infiltration et de supprimer cette frustration. La question se pose sur l’intérêt de cette option et pourquoi ne pas avoir fait le nécessaire directement sur le gameplay, ce qui a tendance à rendre le conseil des développeurs concernant Naoe de toujours faire preuve de furtivité et de combattre en dernier recours, caduque. De plus, le côté très punitif des affrontements gâche le plaisir et demande un certain temps pour s’adapter avec une fenêtre d’action hyper réduite, en particulier avec Naoe qui est très fragile. Les affrontements en un contre un sont gérables, mais à partir de deux ennemis ou plus, ça devient un véritable enfer, même après avoir débloqué et amélioré les arbres de talents. Je conseille de passer par la case option des combats et de modifier la difficulté si vous voulez profiter pleinement de votre aventure.
Assassin’s Creed Shadows est particulièrement attendu pour le retour du parkour tel qui est connu dans les premiers opus. Avec Naoe c’est chose faite, enfin à moitié. Naoe est une véritable assassin, sur ce point pas de problème, de plus les développeurs ont ajouté certaines mécaniques, comme le déplacement à plat ventre et utiliser un grappin pour franchir plus facilement les hauteurs. Ceci étant, une fois en dehors des villes et des temples, on retombe une nouvelle fois dans une incompréhension totale. Dans les jeux Assassin’s Creed, il est possible de grimper un peu partout sur n’importe quelle façade, en dehors des bâtiments, tant que cela reste cohérent et offre cette liberté particulièrement appréciée. Ici, c’est impossible, sauf dans les endroits bien spécifiques et définis par les développeurs et qui sont repérés et guidés par un marquage jaune. Pire, il est impossible de grimper aux arbres excepté sur les seuls arbres qui, comme par le plus grand des hasards se trouvent près des temple ou château donc le tronc est obligatoirement incliné de fait qu’on puisse se faufiler et une nouvelle fois en passant uniquement sur le marquage jaune définie.
Les nombreux reports semblent avoir été bénéfiques pour l’expérience, puisqu’il faut l’avouer, la proposition est solide et ne présente que très peu de bugs. On sait à quel point les jeux d’Ubisoft peuvent rapidement être pointés du doigt. Notez que le patch day promet de corriger plusieurs bugs et d’améliorer l’expérience.

Avec Assassin’s Creed Shadows, Ubisoft se devait de marquer un grand coup afin de relancer l’intérêt autour de la franchise, mais aussi de relever la tête et de prouver que ses studios peuvent encore faire des jeux de très grande qualité. C’est chose faite sur certains points. Malgré une introduction qui tire en longueur, Shadows est agréable à suivre et on y retourne sans trop de difficulté pour connaître la suite et parfaire notre voyage au Japon. L’absence une nouvelle fois du conflit entre Abstergo (templier), et assassins moderne manque cruellement surtout avec le petit espoir laissé avec Valhalla, mais la reconstitution de l’animus et les séquence pour faire le lien avec le Japon permet de temporiser en espérant un retour dans les prochains épisodes. Néanmoins, la proposition reste imparfaite et on a la sensation que les studios ont vraiment du mal à réintégrer le concept de base et l’ADN de la franchise qui, depuis le virage initié avec Origins semble être intégré juste pour dire, voilà, c’est présent.
Note : 3.8