« La vie intime » signe le grand retour de Niccolo Ammaniti au roman après huit ans d’absence. L’écrivain italien n’en est pas à son coup d’essai. Il a remporté en 2001 le prix Viareggio pour son roman « Je n’ai pas peur » (« Io non ho paura ») et en 2007 le très prestigieux prix Strega pour « Comme Dieu le veut » (« Come Dio comanda »). C’est dire si on était impatiente de découvrir son nouvel ouvrage qui vient d’être traduit en français et qui a également remporté le prix Viareggio.
La protagoniste du roman est Maria Cristina Palma, épouse du président du Conseil italien. En apparence , cette première Dame est une conquérante, une gagnante qui a réussi dans la vie et qui a tout pour être heureuse. Elle est élue par les médias la plus belle femme du monde, elle est riche, célèbre, mère d’une brillante adolescente, vit dans une superbe maison à deux pas de la piazza Navona et a le monde à ses pieds. Mais les apparences sont parfois trompeuses et la réalité tout autre. Surnommée parfois Maria Tristina, la jeune femme est hantée par les drames qui ont jalonné son existence et doit se conformer à ce qui est attendu d’elle. Un jour, elle retrouve par hasard un amour de jeunesse qui va lui envoyer sur son téléphone portable des photos et une vidéo de leurs ébats. Le passé refait surface de manière inopinée et devient une terrible menace. Car autant dire que la diffusion de ses images serait dévastatrice pour elle, sa famille et la carrière de son mari à la veille d’élections cruciales. En même temps qu’elle tente de faire disparaître ce film compromettant, elle accepte de donner une interview en direct, contre l’avis de son mari et de ses conseillers.
Niccolo Ammaniti adopte le point de vue externe du narrateur omniscient qui observe ce qui arrive à Maria Cristina et connaît ses pensées, ses états d’âme, ses peurs, ses angoisses, ses obsessions. Le récit, raconté au présent à la troisième personne du singulier, suit l’héroïne durant 7 jours, soit du 21 au 27 février. Les scènes se succèdent et alternent les moments comiques (comme celui où l’héroïne tente de faire une pizza ou plonge tête la première dans la cheminée d’une vieille maison de campagne pour récupérer le natel contenant la sex tape qu’elle a laissé tomber après être montée sur le toit) et ceux tragiques. Il y est question de quête du pouvoir, de goût du spectacle et de la mise en scène (comme la fameuse scène à l’opéra où elle doit rencontrer sa présumée rivale et apparaître sublime pour déjouer les rumeurs d’infidélité), de stratégies, de sexe, de culpabilité, de sens du sacrifice mais surtout comme le titre l’indique, de la vie intime de Maria Cristina. C’est-à-dire de cette vie interne qu’elle ne communique ni ne partage avec les autres mais qui existe néanmoins. Habituée à être sous le feu des projecteurs et à tenir les autres à distance en raison de sa grande et impressionnante beauté, la jeune femme se sent souvent seule, sans personne à qui pouvoir faire confiance et se confier. La fracture entre ce qu’elle montre d’elle et ce qu’elle est en réalité, génère chez elle un profond malaise intérieur. Cette vidéo compromettante qui viendra rompre un équilibre précaire se révèlera-t-elle une opportunité de changement et lui permettra-t-elle de retrouver sa capacité d’agir ?
Un roman magistral où l’on retrouve la puissance narrative de l’auteur et que l’on n’arrive plus à lâcher une fois commencé. On ne serait pas étonnée de voir ce roman porté prochainement au cinéma tant il est aisé de se représenter les scènes parfaitement décrites.