Des applaudissements à n’en plus finir. Du 24 au 27 octobre 2024, le Bâtiment des forces motrices (BFM) a accueilli le Béjart Ballet Lausanne et affiché salle comble à chaque représentation. Les spectateurs en ont pris plein les yeux. A l’affiche, un programme riche et varié avec »Bye bye Baby Blackbird », « Bakhti III », « Heliogabale », « Dibouk » et « 7 danses grecques ».
La soirée s’est ouverte sur « Bye bye Baby Blackbird », un ballet créé en 2022 sur des compositions de Johnny Cash. Chorégraphiée par le néerlandais Joost Vrouenraets, la pièce questionne l’impermanence et invite à la contemplation des ombres du silence ainsi qu’à l’anticipation des échos de la présence physique. On a admiré la scénographie entre jeux d’ombre et de lumières ainsi que les costumes noirs à dentelles des danseurs et danseuses signés Henri Davila.
En seconde partie, le Béjart Ballet Lausanne a invité le public à un voyage multiculturel. Ainsi, après un entracte suivait « Bakhti III » inspiré à Maurice Béjart par l’hindouisme. Construite autour d’un duo et de deux variations, la pièce a été créée en 1968 sur une musique traditionnelle indienne. Il s’agit d’un dialogue entre Shiva, troisième personne de la trinité hindoue et son épouse Shakti. La chorégraphie comprend un savant mélange de vocabulaire classique et de gestes empruntés à la culture indienne. Particulièrement complexe et difficile, elle combine postures acrobatiques et équilibres périlleux. Les costumes de couleur rouge signés Germinal Casado sont superbes.
Place ensuite à « Heliogabale » (ou « l’anarchiste couronné »), un ballet créé en 1976 sur une musique traditionnelle du Tchad. Sept minutes de danse éblouissantes qui montrent toute la richesse de l’univers artistique et du langage gestuel de Béjart. Le pas de deux parfaitement millimétré est bluffant de technicité et d’élégance.
Beaucoup d’émotions aussi avec « Dibouk » (1987), un pas de deux incroyable où les danseurs se croisent sans se toucher dans un côte à côte mystérieux. Ils nous racontent l’histoire de « Dibouk » de Shalom Anski, un Roméo et Juliette revisité sur une mélodie populaire juive. Tandis que le danseur porte une kippa, la danseuse est vêtue d’une longue robe blanche et coiffée de nattes. La chorégraphie reprend certaines figures traditionnelles de danse juive comme les genoux levés à angle droit et les torses penchés en avant. Un régal !
Enfin, la soirée s’est clôturée en beauté sur « Sept danses grecques ». Une pièce culte initialement créée en 1983 pour une fête dans les arènes d’Arles sur une composition de Mikis Theodorakis. A ce propos Maurice Béjart disait : « Pour ces ‘danses grecques’, j’ai cherché à limiter au maximum les emprunts à des « pas » authentiquement grecs. Certaines danses en contiennent deux ou trois; d’autres pas du tout, et ce sont certainement les plus réussies, les plus grecques ! Trouver un style de danse qui évoque un parfum, une couleur, tout en restant à la base de la danse classique et de la danse contemporaine telles que nous les pratiquons au Béjart Ballet Lausanne.» De fait, nulle trace de costumes ou de décor qui rappellerait extérieurement l’univers grec, mais seulement le bruit des vagues et le bleu en fond de scène qui rappelle la mer. La Grèce est présente par ses inspirations et le résultat n’en est que plus saisissant. Dans ce ballet lumineux, les hommes en pantalon blanc bouffant et les femmes en justaucorps noir évoluent joyeusement. Les parties solistes et les unissons alternent avec les ensembles de danseurs et danseuses. Mention spéciale au principal soliste Oscar Eduardo Chacon qui, avec ses cheveux bouclés ressemble comme deux gouttes d’eau à un pâtre grec.
Le programme concocté a remporté l’adhésion des spectateurs qui ont ovationné les 5 ballets emblématiques du répertoire béjartien. Les danseurs et danseuses aux corps parfaits étaient époustouflants de grâce et de virtuosité. Le programme a illustré à merveille le spectre d’inspiration large cher au célèbre chorégraphe. Il a également montré que près de 17 ans après sa mort, Maurice Béjart est toujours une figure adulée du public et reste indémodable.